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casecoeur
5 mai 2015

Casecoeur: Le petit Djino

 

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C'était après seize heures, il faisait chaud et les gens commençaient juste à rentrer dans l'eau, quant à moi, je partais comme souvent, découvrir les chemins alentours. Comme vous avez dû déjà le comprendre, il ne me fallait pas grand chose, pour que ma curiosité soit piqué, et malgré ma mère, qui comme toutes les mères, se rassurait en ne me rassurant pas. J'avais le droit, voir le devoir, d'écouter, comme tout enfant, sans en avoir vraiment le choix, la litanie des mots, qui rend sonore et compréhensible, l'inquiétude maternelle. Avec les mots, on fait des phrases, avec celles de ma mère j'aurais pu, sans nul doute et sans prétention, vous écrire un livre de plusieurs tomes, mais je vous ferais grâce de cette lecture, ce serait un grand déballage d'amour, emprunt de prudence, de désobéissance, voir même de trahison, il y aurait quelques larmes et puis des réconciliations et enfin, comme presque à chaque fois, une fin heureuse, une recette qui marche, paraît-il... 

Ce jour là, alors que je remontais le chemin de terre, qui mène à la carrière, il y avait sous un arbre, un énorme corbeau. Il sautillait et me regardait, hochant la tête tantôt à droite et tantôt à gauche, comme le font tous les oiseaux, soudain il ouvrit le bec et s'adressa à moi,

- eh, copain, tu fais quoi sur mon chemin! Je me suis arrêté surpris, j'ai ouvert de grand yeux et je je lui ai dit,

- toi ,aussi tu parles!

-bah! oui, moi aussi je parle, sembla-t-il me répondre, mais alors, c'est vrai, j'ai un don, je comprends l'animal!

- monte sur mon dos et je te ferais voler tout là-haut, reprit-il, mais juste après ses mots, je me pris quelques petits gravillons sur la tête.

-mais non, c'est moi ballot.

-où, dis-je,

-dans l'arbre.

En effet, il y avait bien un enfant à califourchon sur une branche.

- t'as cru que c'était le corbeau qui te parlait, mon copain, tu dois être déranger toi!

je me disais bien aussi, que, eh bien qu'à ce moment-là, j'aurais préféré ne pas être moi, ou tout simplement ne pas être là, mais bon!

-eh copain, t'es sur mon chemin là!

- ha bon! il est pas à tout le monde, ce chemin?

Il me regarda avec un sourire et se tourna un peu, pour me montrer en le pointant du doigt, l'endroit, d'où, il pensait- tenir sa légitimité sur un domaine dont lui seul semblait connaître les frontières.

-tu vois, c'est mon camping ça, copain, t'habite dans quoi, toi copain, un camping ou une caravane?

-dans une maison,

-dans une maison, reprit-il.

-oui, mais en bois,

-alors c'est pas une maison, ça mon copain, c'est une cabane. Si tu veux, moi, je te le montre mon camping! conclut-il.  

-Oui, si tu veux, lui dis-je et nous voilà partis, tous deux, en culotte courte et le torse nu. Rien ne nous différencier, mais je restais tout de même un peu en retrait, d'un demi-pas, il faut dire que je suivais, excuser du peu, le maître auto-proclamé d'une contrée, aux frontiéres et aux richesses que je ne pouvais soupçonner, puisque elle m'était inconnu et où, sans même m'en rendre compte, je venais de pénétrer.

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En arrivant sur le terrain ou plutôt le domaine, de celui dont j'étais l'hôte,  je remarquais le foyer encore fumant, d'un feu depuis peu éteint et près de lui, un chien qui siestait et qui en nous voyant, se leva en s'étirant.

-C'est mon djoukêl, il s'appelle croque-tout, il est pas méchant.

-c'est quoi comme race? demandais- je pour faire mine d'être connaisseur de la chose canine.

- c'est un chien, je crois! me répond dit-il . 

Devant l'une des caravanes, une femme, d'un âge assez avancé, était assise sur un fauteuil, elle tressait l'osier, comme on fait les nattes à une jeune fille. Partout, autour d'elle, il y avait des paniers, de toutes sortes et de toutes grandeurs. Elle demanda avec douceur, sans lever le regard de son métier:

- C'est qui ce petit gadjo que tu nous ramènes là, mon petit djino?

-c'est un dinélo, m'an, y parle au corbeau et il dit qu'il habite dans une cabane!

- dans une maison! marmonnais-je entre mes dents.

-y a vraiment des narvalos! soupira t-elle.

Le petit Djino, puisque c'est comme ça qui s'appellait, demanda à monter dans la caravane. La femme, sa mère  lui répondit en une phrase sèche et courte dont je ne compris pas le moindre mot. Comme l'étranger et étrange, il parle avec sa langue, bouge ses lèvres comme nous, mais les sons sont différents. Pourtant, on a souvent la facilité de croire ou de penser voir de répandre, que ces gens sont illettrés, mais savons-nous lire leur langue, alors que eux lisent, bien souvent, la nôtre? 

Le petit Djino s'essuya les pieds et j'en fis de même, comme si j'avais compris la langue de bohème. Comme j'étais surpris d'être là, j'étais plutôt curieux, c'est vrai, mais tout aussi peureux et je ne sais plus si c'est l'attitude ou l'émotion qui, ce jour là, avait conduit mes pas.

6

 

En entrant, je vis sous mes pieds, sur une rivière de bois, le reflet de mon visage, puis sur un coté, sur la longueur, à l'opposé de la porte, m'apparut couché sur une banquette, les couleurs de l'arc en ciel, là, de gentes dames, à la peau de porcelaine, attendaient sagement. Elles avaient le visage parfait, comme on imagine les fées, le regard bleuté de la mer et du ciel quand la beauté, le macrocosme, les a marié. J'étais désespéré de n'être que de la chaire et de ne pouvoir les aimer. Toutes étaient coiffées de chapeaux, d'où ruisseler des cheveux parfaits, leurs robes s'étalaient tout autour d'elle, ce ne pouvait être que des princesses et si elles avaient daigné me parler, je crois que genoux à terre j'aurais posé, pour me soumettre, comme l'aurait fait, n'importe lequel de leurs sujets. Quelques soit le sens où je tournais la tête, tout était de bois, ou presque, il étincelait, de toute part. Deux grands placards encadraient l'alcôve de ces dames, les serrures étaient de couleur or et les clefs avaient un anneau démesuré, des œuvres de compagnon que les clavophiles, collectioneurs de clés, s'arracheraient. Sur chacune des grandes portes étaient accrochés un petit panier d'osier orné d'un ruban que quelques fleurs et germe de blé remplissaient. Au fond de la caravane, le bois formé une arche, un demi rond parfait et cachait derrière des embrasses de rideaux, attachés par des bijoux, se devinait un lit, qui pouvait être clos, il était à lui tout seul, toute une chambre,  vêtu d'un manteau de chaleur, un plaid au crochet, un granny joliment décoré, de milles couleurs, et qui n'en profitait même pas pour se reposer.

7

 

- viens, avance, tu peux regarder, me dit le petit Djino.

- c'est là qu'ils dorment, mon père et ma mère.

J' avançais timidement, un peu honteux d'être si curieux, en posant mes yeux sur ce lieu d'intimité, mais je ne pouvais me résoudre à la timidité, qu'impose le respect et en poussant un peu le rideau, je surpris une guitare, ses formes s'exaltaient, posait sur le lit, elle était en état de décoration, attendant sagement, comme une belle attend l'amour, qu'une symphonie de caresses, la fasse  de nouveau chanter. Au-dessus d'elle et d'une paire d'oreillers, sur le mur, il y avait une croix où le fils de dieu, continuait d'être crucifier et de l'autre coté dans le coin, sa mère, dont on devinait, toute la tristesse et la peine de voir sa chaire éternellement martyrisée.

En me retournant, sur la baie vitrée, à l'opposé de ses altesses qui se reposaient, je fus transporté, sur le bord d'un chemin, où, à la nuit tombée, quelques arbres s'appréttaient à someiller. Dans le champ voisin, s'étaient rangés quelques roullotes, qui semblaient être fatiguer, elles arrivaient sans-doute et peut-être repartiraient-elles demain? Quelques âmes, entre ses habitations de bois, qui forme un village, qui au petit matin, ne sera peut-être plus là, vont et viennent. Elles profitent d'un peu de clarté, passagérent éphéméres de ses rayons de feu, qui même parfois la nuit nous éclairent, pour  s'acquiter, sans doute, de quelques taches ménagéres. Comme j'aimerais savoir où elles iront, comme elles vont, sans fin, emporteront-elles, avec elles ses couleurs vives que me joue ce tableau, sur la scéne de ce verre, dont l'acteur principal est l'éclat, c'est le nom que se donne le soleil, quand il nous joue son meilleur rôle et met son habit de lumiére. 

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- viens, viens voir où je dors avec mon frère! me dit le petit Djino.

 

Je le suivis, presque à regret laissant là mes roullotes, pour aller à l'autre bout de la caravane, là où il y avait deux lits superposés.

 Il disposait, entre autre de sa couchette, qui était plus grande que celle du haut, de deux petits placards et d'une niche où était posée la statue de la vierge noir, la mère des gitans.

J'aurais pû croire être entrer dans un conte, tellement l'endroit était féerique, le décor était celui d'un livre, où j'imaginais, que la belle gitane aurait séduit le prince du château de Chitré, mais sa mère, cruelle, ne voulant pas de cet amour, contre nature, aurait-elle dit, aurait fait appel à la sorcière de la forêt de moulière, toute proche, qui par un sort maléfique, s'il en est, aurait fait changer la jeune et belle demoiselle en une pomme éternel, accrochée a l'arbre d'amour. L'arbre est énorme et porte le nom du bonheur, mais ne vous y trompez pas, il est maléfique. Il compte trois cent fruits qui ne périssent pas, elles ont toutes une âme. On les appelle, les sortilèges. Elles ne peuvent être croquées, si ce n'est par celui, dont le coeur est habité d'un amour véritable, encore faut-il qu'il l'écoute, car si son choix n'est pas celui de ses sentiments, alors  c'est la mort, pour lui et l'âme qui habite le fruit et perdu à jamais. Je vous invite à imaginer la fin, heureuse bien-sur, finissait peut-être par, et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants, c'est pas mal ça, non! et cela à fait ses preuves. Quant à moi, je fûs bien avant ce dénouement heureux, rappelait à la réalité.  

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-ho! tu rêves,

-hein! oui, c'est beau chez toi. On est dans une caravane et cela ressemble à une roulotte.

- oui je sais, mais faut qu'on sorte, v'la mon daron, mon copain faut partir!

je sortis au plus vite sans y être plus prier. Pensez donc, les chevaux renfermaient dans un vieux saviem, venaient de rentrer dans le camp à bride abattu, en faisant un cercle, comme les pionniers de l'ouest américain le faisaient, pour se protéger des indiens, quel monde, on ne sait plus qui est qui. Les chevaux calmaient, il descendit de l'arrière du camion, des enfants qui ressemblaient bien à des indiens. Ils n'étaient pas nombreux mais tellement bruyant et joyeux, vivant, que, j'ai crû qu'ils étaient cent.

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A l'avant, descendit une jeune femme, avec un nourrisson dans les bras, puis un jeune homme, qui posa sa main sur son épaule, je compris que c'était le papa. Le conducteur du chariot à moteur descendit à son tour, un colosse avec des bottes et un pantalon de velour épais, comme n'en a jamais porté mon grand-père, la chemise débraillée, laissait plus que deviner un torse garnit de poil de bête, il avait par-contre les cheveux courts, bien coiffés, noirs, en arrière, le front large, lui donnait un air décidé. Les yeux petits, en amande, noir, soulignait bien l'homme et ses certitudes, il avait le teint mat, hâlé et une moustache à l'anglaise, fine et bien taillée.  L'heure était à l'esquive, aux pas feutrés, à la dissimulation, au replie, pendant que toute la petite famille semblait se retrouver, comme-ci, il ne s'était pas vu depuis des lustres, je partais à la dérobé et plus je m'éloignais et plus je me sentais soulagé, aller savoir pourquoi? Comme si il se vidait de moi la peur, qui est celle de l'inconnu. Je ne connaissais pas ces gens, ils avaient plutôt l'air calme et souriant, mais peut-être que derrière la belle gitane que j'avais imaginé vivant dans sa belle roulotte, se dissimulait, la fée pleine de bosse et l'autre, la grande moustache bottée, le père rentre tard, peut-être avait-il dissimulé son fouet et son sac à enfant et puis le mari de la pondeuse, n'avais-je sans doute pas remarquer ou fais attention, je crois qu'il avait une bosse sur le dos,sans doute un pauvre bougre au service de ses tortionnaires, sans parler des enfants, sans doute, une bande de crapauds changaient en gamins souriants pour attirer les frêles, tendres et aventureux, petits anges comme moi. Hou! j'en avais froid dans le dos et plus je frissonnais et plus vite j'avançais, comme l'imagination peut être absurde quand elle s'habille de la peur. 

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Arrivée sur le chemin, je vis, au loin ma mère, elle semblait inquiète, presque en colère et alors que je pressais le pas, pour mieux la, ou me rassurer, J'entendis derriére moi, le petit Djino qui criait.

- eh copain, copain, je me retournais alors et il arriva vite à ma hauteur, tout essoufflé.

Et il reprit eh copain, vient demain, Si tu vas à la baignade, ou quand tu veux,

-peut-être, oui, je ne sais pas si je viens et je repris mon chemin, lui resta sur place et après un instant il me dit encore,

-on ira à ma cabane. Je ne répondis pas. Arrivée près de ma mère, je lui pris la main et je pus voir le petit djino, marchait vers le terrain dont je ne distinguais que le toit des caravanes.

- c'est qui, me demanda ma mère.

Je baissais la tête, puis la relevais, un oeil fermé car le soleil qui jouait dans les branches,m'éblouissait et je lui répondis, avec le sourire de celui qu'une nouvelle amitié à conquis,

- C'est mon nouveau copain!

 

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   franckad 2015

 

 

 

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